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SNOOP DOGG et ICE CUBE
Centre Bell, janvier 2007

À sa naissance il y a un peu moins d'une vingtaine d'années, le gangsta rap comportait un réel message social - celui de la discrimination envers les Noirs - derrière ses gros mots, ses énoncés violents et ses propos dégradants à l'endroit des femmes. Aujourd'hui, le message social est presque complètement évacué du genre, toujours aussi populaire grâce, entre autres, à 50 Cent et Snoop Dogg, tête d'affiche de la soirée d'hier au Centre Bell. C'est normal, puisque les superstars du rap ne tentent plus de nous faire croire qu'elles vivent dans le ghetto - ce serait difficile, avec toute la richesse qu'elles affichent dans leurs clips. Bref, on n'écoute pas du gangsta rap en 2007 pour s'instruire ou pour en apprendre davantage sur la société américaine mais plutôt pour entendre les beats et mélodies hip-hop les plus hot. Étant donné que le genre vend beaucoup, les producteurs les plus populaires du milieu (Timbaland, The Neptunes, Dr. Dre) pondent régulièrement de véritables petits bijoux qui se méritent de plus en plus de place au sommet des palmarès pop. Ne dit-on pas d'ailleurs: "Hip-hop is the new pop"?

Ainsi, c'est d'un angle strictement musical et superficiel qu'il faut aborder un show comme celui que présentent Snoop et Ice Cube (s'il y avait d'autres artistes en première partie, je les ai ratés), deux légendes du hip-hop West Coast, toutes deux associées à Dre - le premier a démarré sa carrière en 1992 sur The Chronic, classique parmi les classiques du G-Funk, tandis que le second a fait partie de N.W.A.. Deux vedettes hollywoodiennes aussi, acclamées avec ferveur par un jeune public qui fumait à satiété (jamais vu autant de boucane au Centre Bell!). Dès que Cube est monté sur les planches, tout le monde s'est levé d'un trait, même si le rappeur et acteur de 37 ans n'a pas produit d'album marquant depuis 1992 - il a d'ailleurs déclaré à la foule qu'il n'avait pas mis les pieds à Montréal depuis quinze ans. Peu importe, car Cube, tout de noir vêtu, a offert une prestation musclée et digne de sa réputation de naguère, offrant plusieurs perles de son répertoire, dont You Can Do It, It Was A Good Day ainsi que le Message remix de Check Yo Self. Très en forme au micro, Ice Cube a aussi pigé dans le corpus de son ancien (et mythique) groupe, balançant l'une à la suite de l'autre Straight Outta Compton et Gangsta Gangsta. D'un point de vue personnel, Cube, avec seulement un DJ et un MC pour l'accompagner, a volé la vedette à Snoop, qui bénéficiait pourtant d'un entourage beaucoup plus considérable.

Avec son style plus relâché, plus organique (six musiciens, quatre danseuses, deux MC, une choriste et un vieux danseur sympatique du Mississippi!), plus soul aussi, Big Snoop Dogg a quand même donné un bon show. Énergique, souriant, moins abruti par Mary Jane que prévu - étonnamment, on ne l'a pas vu fumer une seule fois -, l'icône californienne de 35 ans a ravi la foule grâce à son bagout et à ses nombreux tubes. Et même s'il a été "frappé" à deux reprises par des étoffes rouges lancées sur scène en début de spectacle (on rappelle que Snoop est d'allégeance Crip), notre homme, affublé d'un affreux jumpsuit gris et noir, n'en a fait aucun cas, poursuivant sa prestation comme si rien ne s'était passé. En quelques 90 minutes (pas de rappel au programme), The D-O-Double-G a offert quelques pièces de son nouvel album, Tha Blue Carpet Treatment, ainsi que la plupart de ses collabos les plus connues (Nuthin' But A G Thang et The Next Episode sans Dre, Beautiful et Drop It Like It's Hot sans Pharrell, le très subtil nouvel hymne des effeuilleuses I Wanna Fuck You sans Akon, That's That Shit sans R. Kelly). Bien sûr, celui qui se faisait appeler Snoop Doggy Dogg ne nous a pas quitté sans livrer Who Am I (What's My Name?), son tout premier hit. Mais pas Murder Was The Case, une omission quasi-impardonnable. Enfin, ce fût une bonne performance dans l'ensemble, malgré le fait que les notes des musiciens brouillaient souvent les mélodies des pièces.

Même si, côté sonorité et efficacité, Ice Cube a eu le dessus sur son célèbre collègue, cette double frappe hip-hop de grande envergure (il devait bien y avoir 10 000 fans au Centre Bell hier soir) a prouvé non seulement que Cube et Snoop demeurent deux excellents rappeurs mais aussi que le gangsta rap n'est pas prêt de disparaître. En espérant seulement que le message social y soit réintégré bientôt.